Pourquoi appel-tu ces pièces les films fontaines ?

Ces objets sont inéluctablement pas des films. Nous ne sommes pas assis devant un écran, ils sont en trois dimentions on peut les toucher etc... Le point de départ était de créer des objets que je vais à la suite pouvoir considérer comme des films. Je les appel donc « films » et la désignation de « fontaines » est une clée qui j’espère dans l’imaginaire du spectateur fera le pont pour passer de l’entité objet à l’entité film. Une fontaine est un objet qui prend une certaine place dans l’espace, on peut tourner autour comme les films que je montre ici. Les fontaine, plus que tout autre objets sont muni d’une boucle. L’eau sort suit un trajet complexe ou pas puis revient au point de départ. Dans le cinéma on peut observer le phénomène de boucle au niveau du mode narratif, au niveau du récit, au niveau du raisonnement du spectateur qui va faire les bon liens entre les scènes les indices etc... Il ne faut pas oublier non plus que les premiers films étaient des objets ! Je parles des ancêtres du cinématographe : le phénakistiscope, le zootrope, le praxinoscope, le zoopraxiscope etc...

Quels rapports entretiens-tu avec l'artifice ?

L’artifice est un moyen d’accès. C’est la première chose qu’on voit, qu’on décèle. Lorsqu’on s’apperçoit de l’artifice qui constitue l’apparence d’un objet on comprend alor sque l’objet nous cache une seconde vérité. Pour les films fontaines j’aurais pu faire des blocs de marbres ou utiliser de vrais dalles de marbres. Le choix de les peindre en trompe l’oeil est très important puisqu’il va introduir à l’obje la notion du temps : le temps d’adaptation de l’oeil du spectateur à la supercherie. On entre dans une pièce on voit d’abord un bloc de marbre puis on commence à comprendre qu’il ne s’agit pas du tout de marbre mais de peinture. Avec du vrais marbre on ne vit pas cette déception qui marque le temps d’adaptation, de compréhention. Le vrais marbre reste vrais à t0 comme à t1 et t+∞.

Notion de temps ?

Tout ce que j’essaye de faire avec ces objets ce sont des film objets. J’aimerais retrouver le même comportement que j’ai en tant que spectateur de cinéma devant un film que devant ces objets là. En regardant un film qui déroule une certaine intrigue, on prend du temps pour comprendre de quoi il s’agit, quelle est la relation entre tel personnage et l’autre, entre cet objet et cette adresse et ce décor etc... Lorsqu’on regarde un film on nous raconte pas la biographie de chaque personnage, son histoire personnelle mais on l’a devine. Il y a donc lors du visionnage d’un film le temps qui est séparée de la durée du film. On sort d’un film et on témoigne d’une sensation du temps diférente : je trouvait cette scène trop longue etc …

Pourquoi le marbre ?

Dans notre monde se trouve une grande variété de marbres. Chaqu’une est spécifique à une région, une géographie et une géologie. Le marbre joue donc le rôle du complément de lieu. Certes il y a le marbre provenant d’Europe et le marbre provenant d’Asie mineure. Nous faisons la rencontre du marbre dans les lieux de religion autant que sur la table d’un kébab de banlieu. Dans les palais ou les bureaux de tabac. En dalles glissantes et moulures, en trompes l’oeil ou en papier peint et linolium. Dans mes recherches sur le marbre j’ai retenu ces deux termes qui se réfèrent à la formation de la pierre : « métamorphisme régional » et « métamorphisme de contact ». Si on les déplace maladroitement sur un point de vue social, en résulte une vague image de l’évolution culturelle de nos différentes sociétés.

Et ton rapport à la mise en scène dans cette série de film fontaines ?

La mise en scène est pour moi un jeu de mise en relation de plusieurs éléments et indices qui vont à la rencontre du spectateur, créer l’intrigue ou l’histoire ou tout simplement faire lieu de contemplation. Par exemple dans le film fontaine noir, on a plein d’indices différents qui cohabitent le même lieu le même socle. C’est en se déplaçant autour de la fontaine que le spectateur va créer une certaine mise en scène. Puis c’est en remarquant les diférents éléments et détails : que c’est peint en faux marbre, qu’il y a un texte qui défile duquel il va pouvoir relevé quelques indices, il va voir aussi que ce texte rentre et sort dans la fontaine par plusieurs côtés et qu’il est mis en mouvement par deux calculatrices à tickets une au dessus du parallélépipède et une à l’intérieur, il va remarquer qu’il y a un bout de vrais pierre de marbre qui actionne par son poids le bouton de chaque calculette, et un autre bouton qui est fixé sur la fontaine même et qu’on peut presser pour arrêter le film ou le démarrer etc… à la manière dont on va s’approprier tout ces éléments là, se réalise une certaine mise en scène. S’oppère alors une mise en scène à deux niveaux : d’une part la manière dont tous les éléments cohabitent et d’autre part les connexion que leur fera chaque spectateur.

Il y a d'autres éléments qui m'avaient fait penser à la mise en scène aussi si tu peux en parler : les performeurs qui peignaient les murs en faux marbre, Dans la salle il y avait aussi un miroir sur lequel se projetait de l'humidité.

Ces deux éléments étaient des pièces in-situ. Elles sont apparu par la nécessité de mettre en lien les film fontaines avec leur espace de monstration. De l’une des fontaines, il y a le manche d’une raquette de tennis qui sort. Et sur le filet de la raquette repose un galet de chlore qui sert d’habitude pour les petits déshumidificateurs ménagers. Ce galets va aspirer l’humidité de la pièce qui va ensuite circuler à travers un tuyau à l’intérieur de la fontaine et goutter d’en dessous pour être restituer de nouveau donc à la salle. Dans la salle il y a l’humidité embiante, l’humidité procurée par la simple présence des spectateurs et l’humidité qui sort de cette installation que j’avais mis en place pour voiler le mirroir qui appartient à la pièce. Il est fixé au mur. Un mirroir dans une pièce ce n’est pas rien. C’est très graphique et ça a une grande présence. Je ne pouvais pas le laisser tel quel. Je n’avais donc que deux choix : l’obstruer ou l’utiliser. Cette installation est donc tout simplement constituée de deux vaporisateurs fixé grâce à deux pieds micro qui font rappel avec un autre pied micro placé de l’autre côté de la salle et utilisé par une lectrice qui dialoguera à des moments différents avec une vidéo projetée. Aussi en même temps des performeuses-res qui sont entrée dans l’espace en même temps que le public, se sont mis à peindre en faux marbre les murs blancs de la salle. Pour faire ces pièces et leur donner l’aspect pierre de marbre, une amie m’a apprie les différentes techniques et j’ai regardé aussi beaucoup de tutoriels dans lesquels j’ai observé qu’il y avait une multitudes de gestes qui se repettaient d’une vidéo à l’autre, et d’autres qui restaient proprent à chaque technique ou chaque plasticien. La répetition frénétique de ces gestes pour fair émerger le dessin du marbre me fait penser à la danse. Et l’idée que l’écriture chorégraphique d’une danse, ici le faux marbre en trompe l’oeil, soit la finalité de cette même danse me plait. Alors j’ai demandé à des amis de suivre un protocole « d’invasion par le marbre ». Peindre en faux marbre les murs de la salle était donc encore un moyen de faire réagir les trois films fontaines à l’espace qu’elles habitaient. Le rendre poreux à leurs présence dans la salle. Si j’ai voulu faire sortir le cinéma ou la matière filmique de l’écran, il ne fallait pas que je l’emprisonne dans une autre forme. Il fallait que ça rebondisse.

Tu ne m'a pas parlé de la fontaine à café.

Oui donc pareil que les deux autres c’est un bloc rectangulaire sur lequel il y a deux fausses plaques chauffantes et une cafetière itelienne expresso. De ces deux trompes coule sans cesse du café dans une petite tasse rouge. Et comme les autres, cette fontaine est munie d’une grille d’aération de laquelle on peut entandre plusieurs discussions, qui n’ont rien à voir avec le café. Dire : « vient on va boire un café » est presque une métaphore pour dire « vient on va discuter ». « Boir un café » c’est l’artifice qui parre le fait qu’on va discuter. Il y a donc ces deux filets de cafés qui se rejoignent dans une seule tasse : la discussion.